
GMR
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ZYCK
Un vieux train en tôle grise comme on en voyait fréquemment au siècle dernier attendait placidement sur une voie souterraine de la Gare de Lyon. Il me faisait penser à ces bateaux échoués en cale sèche durant les marées basses des régions désertées par les pêcheurs.
Je m'installai à l'intérieur, tandis que les quelques passagers déjà présents fixaient l'extérieur d'un œil morne, l'esprit sans doute ailleurs. Combien d'entre eux se rendaient à BRUNOY?
BRUNOY. Etrange nom de ville que les gens prononçaient parfois mal. "BRUNOÏ" disaient-ils souvent, comme si ce nom provenait d'une langue inconnue, ou en tous cas peu usitée.
Le train finit par se mettre en branle en hoquetant, dans un bruit infernal de crissements métalliques et de vapeur de caoutchouc trop chaud. Nous traversâmes un tunnel sombre et sans fin, pour déboucher à l'air libre, au milieu d'une banlieue morne et triste, aussi grise que les murs d'une usine en ruine.
Je ne saurai dire combien de temps dura le trajet. Nous passâmes différentes gares où quelques voyageurs épars montaient laconiquement, l'air perdu. Quelque chose me mettait mal à l'aise. Sûrement la lenteur du train, ses fréquents arrêts entre deux gares, comme s'il était obligé d'aller à Brunoy, contre sa volonté.
Je laissais mon esprit vagabonder alors que mes yeux refusaient de voir ce paysage triste, où les arbres semblaient aussi peu à leur place qu'un pingouin au Sahara.
Brunoy. Pourquoi entreprenais-je ce voyage? Cette ville me fascinait alors que je ne m'y étais jamais rendu ; ou alors en rêve seulement. Tout le monde connaissait quelqu'un qui vivait là-bas, mais personne ne savait qui exactement.
"Brunoy? Oui, je connais, j'ai oh je ne sais plus, mais j'ai déjà rencontré une personne qui habitait là-bas."
C'était toujours la même rengaine.
Mes recherches m'avaient finalement appris que quelque chose vivait là-bas. Un groupe de gens, impossible à dénombrer. Peut-être était-ce la population dans son ensemble? Le seul moyen d'en être sûr était d'aller voir sur place. Un ailleurs, un mystère
Je sortis de mes rêveries en me faisant légèrement bousculer par un voyageur qui descendait du train. Mais il n'était pas le seul. La grande majorité descendait à présent. Je regardai par la fenêtre: YERRES. Le plan indiquait que la prochaine destination était BRUNOY. Nous n'étions plus que trois dans le wagon. Un vieillard à la peau presque aussi blanche que ses cheveux, et une jeune femme, endormie contre la vitre.
Le train se remit en marche. Je me rapprochai.
Le temps passa trop vite. Quelques battements de cœur plus tard, le train s'arrêtait à nouveau. Les portes s'ouvrirent. Je descendis, ayant à peine le temps de poser mes pieds sur le quai que déjà le signal de départ retentissait, les portes se refermaient, et le train me quittait.
J'étais seul à présent.
Je remontai le quai jusqu'à un escalier trop raide qui me mena en haut d'une passerelle. Trois lettres peintes à la va vite m'accueillirent sur le petit muret: GMR. Cela se confirmait. Ils ou Ca vivai(en)t bien ici.
J'empruntai un autre escalier et me retrouvai devant la gare, côté centre-ville. Il était 21H, tout était déjà fermé. Quelques jeunes personnes restaient là, sur les bancs maculés de tags, alors que des fleurs fanées tentaient d'embellir cette place. Je me mis à arpenter le centre ville. Tout semblait neuf, et tout paraissait vieux ; ou l'inverse. Comme si cette ville cachait une maladie. D'autres inscriptions GMR s'inscrivaient ça et là, sur des panneaux, sur des murs, sur des trottoirs ; un sceau marquant un territoire. Je me rendis compte que les agences immobilières florissaient partout, et en jetant un coup d'œil aux annonces, je ne vis que des offres de ventes ou de location. Pour le reste, des coiffeurs et des banques. Peu de gens à pieds, peu de voitures.
Il était 21H30, et déjà la ville dormait depuis longtemps.
Je me rendis dans la chambre que j'avais louée, n'échangeant que peu de mots avec la vieille dame rabougrie qui me la louait.
Le papier peint semblait tout droit sorti d'un cauchemar des années soixante. Je me couchai, fourbu. Demain, tout commencerait. J'étais sûr d'avoir trouver leur nom: GMR
Mais j'ignorais ce que cela signifiait.
Roland Némiste.
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